Transatlantique: L’océan se déchaîne après une semaine en mer

Après une acclimatation difficile les premiers jours, l’équipage trouve peu à peu son rythme à bord de Camogli. Une certaine routine s’installe, faite de repos, de contemplation et de navigation. Mais le calme ne dure pas : les premiers grains marquent le début d'une deuxième partie de traversée plus musclée. C’est parti pour un nouvel épisode de The Other Side!


Une traversée de l’Atlantique qui se complique après une semaine en mer

Un matin, alors que le ciel s’assombrit, un grain s’abat soudainement.

Lucie réagit aussitôt, tourne la barre, ajuste la voile, tandis que le vent hurle et qu’un café se renverse. La tasse disparaît dans un claquement, avalée par l’océan.

Malgré la tension, le calme revient. Le bateau tient. L’équipage aussi.

Quelques jours plus tard, le compteur affiche 1000 milles parcourus. Puis 200 heures de navigation. Les chiffres n’ont plus vraiment de sens, mais chaque seuil franchi devient une victoire intérieure.

Le temps perd ses contours. Le passage des fuseaux horaires brouille les repères. Les nuits et les jours se fondent. De temps en temps, une voix au loin sur les ondes, un autre voilier, un “bonjour” hésitant capté à la radio. Preuve qu’ils ne sont pas seuls, même au milieu de nulle part.

Yohann face aux grains (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Des conditions météo difficiles au cœur de l’océan Atlantique

Le vent se renforce progressivement, atteignant 27 à 30 nœuds. Les grains, soudains et imprévisibles, deviennent plus fréquents, rendant la navigation nerveuse, parfois éprouvante.

L’équipage doit adapter sa stratégie, réduisant la voilure pour garder le contrôle. Les gestes se font plus précis, les regards se croisent plus souvent, à la recherche de signes annonciateurs dans le ciel.

Les quarts de nuit sont raccourcis, non par confort, mais par nécessité. La fatigue s’accumule, les nuits sont plus longues que jamais, ponctuées de secousses et de sursauts. Chacun guette le moindre bruit suspect, prêt à bondir.

Les petites lumières rouges des frontales éclairent les nuits à bord (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Puis vient ce grain d’une violence rare. Le ciel s’effondre dans un fracas de vent et d’eau.

Le bateau est frappé de plein fouet par des rafales à 45 nœuds. Tout tremble, tout hurle, tout s’accélère. Pendant quelques minutes, le silence intérieur laisse place à l’instinct pur. Les mains crispées sur les manœuvres, les yeux rivés à l’horizon, l’équipage traverse la tempête.

Quand le calme revient enfin, un mélange de soulagement et d’adrénaline flotte dans l’air salé. Ce moment reste gravé comme l’un des plus marquants de toute la traversée.

Les nuits sont souvent mouvementées à bord de Camogli (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Quotidien à bord : entre fatigue, routine et émerveillement

La vie à bord s’organise autour des quarts de veille, répartis avec rigueur mais souplesse, et du repos, pris dès que l’occasion se présente.

Entre deux manœuvres, chacun cherche un coin d’ombre ou un bout de banquette pour s’allonger quelques minutes. Le sommeil est morcelé, incertain, mais vital.

Les journées sont rythmées par de petits rituels : un thé au lever du jour, une barre de céréales grignotée en silence, un livre lu à la lumière vacillante. L’écriture devient une manière de rester ancré, de documenter ce qui, autrement, se dissoudrait dans l’immensité. Les podcasts, écoutés les yeux fermés, transportent ailleurs, le temps d’un épisode.

Lever de soleil sur Camogli (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Une tentative de séance de sport est vite abandonnée, tant les secousses rendent l’exercice périlleux. À bord, chaque geste demande un effort, chaque déplacement devient une épreuve d’équilibre. Le corps s’adapte, se crispe, s’économise.

Et pourtant, au milieu de cette fatigue sourde, l’émerveillement demeure.

Un oiseau rendant visite à l’équipage matin et soir, une lumière dorée sur la crête d’une houle, un lever de soleil qui teinte l’eau de rose et d’orange : autant de moments suspendus qui réconcilient avec l’effort.

La mer, dans sa majesté brute, impose le respect, la patience, et parfois même la grâce.

Qui saura reconnaitre cet oiseau ? (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

L’état d’esprit de l’équipage face à l’usure du large

Au fil des jours, l’envie d’arriver devient plus pressante.

La fatigue mentale et physique s’installe, et les repères temporels s’effacent.

Les visages se creusent, les gestes se font plus lents, les discussions plus rares.

L’océan isole, autant qu’il lie.

Une pointe à 25.5 noeuds ? Vraiment ? (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Malgré cela, Lucie et Yoann gardent leur calme et ajustent leur stratégie avec lucidité. Ils savent lire les signes du ciel et de la mer, adapter la route et rassurer l’équipage.

Pierre-Emmanuel observe, prend des notes, capte des fragments de beauté au cœur de l’épuisement.

Le collectif reste soudé, uni par une force invisible née de la solidarité, de l’endurance et du respect mutuel. Dans ce décor mouvant, chaque sourire, chaque attention, chaque silence partagé devient essentiel.

On approche des Caraïbes ? Vraiment ? (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)

Derniers milles et arrivée aux Grenadines après 433 heures en mer

À la vue de la Barbade, l’équipage, bien que très fatigué, choisit de poursuivre vers les Grenadines.

La décision d’éviter un arrêt coûteux et peu abrité s’impose.

Les derniers milles sont marqués par un courant défavorable et une augmentation du trafic maritime. La vigilance est de mise, et les appels radio se multiplient.

La fin d’un dernier quart de nuit pour Pierre-Emmanuel (Photo - Lucie Blanco)

Finalement, le 24 janvier, après 433 heures en mer, Camogli jette l’ancre à Bequia, aux Grenadines.

C’est un mélange de soulagement, d’émotion et de fierté qui envahit l’équipage à l’arrivée.

L’île de Bequia nous tend les bras (Photo - Pierre-Emmanuel HUTEAU)


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